Lettre de Félicien Rops à [Armand Gouzien]

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J’ai rendez-vous avec Goethals pour obtenir de lui qu’il me permette de reproduirela Dame au Pantin & dès que j’aurai cette permission (aujourd’hui soir probablement,) le dessin partira pour Anvers où je le ferai reproduire par Maës ; – Je vais faire un autre dessin pour mettre en vente à Paris pendant le mois de mai. – Je t’ai promis de me mettre corps & âme à l’ouvrage & j’y suis. Ne fais pas attention à ce quete dira Malassis quant à ma paresse fantastique. quand j’ai voulu je lui ai bâclé des vingtaines d’eaux fortes au pied & à la main levés, seulement, j’ai exagéré ma paresse avec Malassis parce que je ne voulais plus travailler dans les conditions primitivement acceptés par moi. Je me mets à l’ouvrage le plus sérieusement je suis presque tenté de dire : « le plus solennellement » du monde. Je vais voir si je suis un fruit sec ou un garçon de talent. Tu peux donc sans hésitations & sans craintes vagues absolument compter sur moi comme je compte sur toi & comme je dois compter sur toi, car tu auras une rude besogne & tu auras fort à faire pour faire face à ta position de directeur de publication artistique.

Il faudra s’occuper beaucoup de la forme de la publication Ne pourrais-t-on pas faire un journal excessivement variable de forme & d’allures ? Les Lettres à Monsieurjoli titre & très bonne idée, ne peuvent durer qu’un laps de temps assez restreint – quoique tu en dises ; – Joseph Addison l’avait essayé dans le Spectateur & malgré tout son esprit, n’aurait pas pu faire tenir longtemps son journal de cette façon. Le public se fatigue, dit : c’est toujours la même chose, finit par ne plus acheter & croit qu’une chose est devenue moins bonne parce qu’elle n’est plus neuve. Du reste tu dois aller chez Malassis qui tu le sais est expert en matière de formes, de formats & de prix de revient. Il te dira que notre journal à l’eau forte devrait

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être – pour avoir des gravures tirées dans le texte, en taille douce, – gravé dix jours, quinze même peut être avant son apparition, il faudrait donc que l’article fut prêt trois semaines avant l’apparition susdite ce qui oterait toute valeur à la chose & manquerait d’actualité. – Moi je ferai ce qu’il faudra faire cela m’est égal mais Je crois que l’on pourrait arranger tout cela : nous en causerons du reste toi & moi longuement d’ici là Je crois que la Vie Moderne pourrait être une publication d’un « format déterminé » ou « sans format déterminé » paraissant soit tous les quinze jours soit tous les mois sous ce titre global :

La Vie moderne

Exemple :

La Vie moderne

1ere série

Lettres à Monsieur

Si les lettres à Monsieur embêtent le public nous trouvons autre chose – pour une seconde série – nous publions des planches dans le texte ou nous n’en publions pas. Nous faisons paraître des lithographies à part, des eaux fortes à part, des bois – ce que nous pourrons enfin. – voir même des zincs gillotypés, mais soignés d’après le procédé Yves & Barret c’est à dire des machines que je peux dessiner ici sur papier & t’envoyer comme pour le frontispice de l’Ondine qui a été un peu raté parce qu’il était mal tiré & puis parceque mon dessin était trop finement exécuté. – Et nous gardons les dessins comme pour les eaux fortes lesquels dessins seront vendus aux bureaux du journal.

Donc en commençant d’abord : le journal condition sine qua non de succès & surtout de stabilité – Lettres à Monsieur bonne idée de sous titre, en série.

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– Il faudra étudier aussi la possibilité de faire peut être une édition populaire en zinc sans tirage à part mais avec un croquis gillotypé de la planche tiré typographiquement, cela nous donnerait la ressource des Kiosques & de la vente sur la voie publique comme la Vie Parisienne. Pourquoi Blanc n’entrerait-il pas dans le journal ? cela serait pour lui une merveilleuse réclame permanente pour sa maison ? les frais qu’il comptait faire pour un autre journal dont tu m’avais parlé lui seraient bien d’un autre avantage s’il les faisaient dans notre publication.

– Ne parle à personne – nous en avons déjà trop parlé ! – excepté aux intéressés, de la création, ni du titre du journal, une indiscrétion peut tout déflorer.

Mais va chez Malassis, écris lui un mot à l’avance, la veille, il est habituellement chez lui vers 11 heures & tu verras qu’il nous éclairera de beaucoup de points obscurs. Je crois que le journal avec eaux fortes dans le texte ne pourrait se faire qu’avec collage comme Paris à l’eau-forte & alors cela manque de chic, terriblement – Je crois que nous serons forcés de passer par le bois & par le zinc d’Yves & Barret & par la planche à part – Enfin tout cela s’arrangera.

À propos de Blanc. remets-lui ma carte & prie le de m’excuser auprès de sa charmante femme si je n’ai pu lui faire ma visite d’adieu & d’indigestion – Je suis filé si brusquement ! Écris moi toutes les semaines, cela me tient en haleine et m’encourage.

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Il faut – il est nécessaire, il est temps que nous arrivions. Depuis 68 nous avons procréé cet enfant il faut que cette gestation de mastodonte ait son terme. Sois persuadé que je travaillerai je te le dis comme un boeuf. Je suis très calme comme femmes, pas calmé ! mais j’évite les occasions de déraillement !! – hier j’ai refusé une soirée qui m’aurait entraîné à des suites « dissipées » & peut être à devenir amoureux pendant tout mon été et alors adieu le travail ! Donc de ce côté – côté très important : sécurité. Et cela durera. J’ai fini de prendre les femmes « au sérieux » & puis je leur ai assez sacrifié de choses, c’est à elles à me les rendre !