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A

Artan de Saint-Martin, Louis (La Haye 1837 – Oostduinkerke 1890)
Peintre de paysages, Artan se consacre principalement aux représentations de la mer du Nord. Artan est un ami intime de Rops dès le début des années 1860. Ayant vécu à Spa avant de s’installer à Bruxelles en 1863, il est proche de Léon Dommartin qu’il met en contact avec Rops vers 1865. En 1868, il participe avec d’autres artistes du milieu bruxellois (Louis Dubois, Alfred Verwée, Constantin Meunier, etc.) à la création de la Société libre des Beaux-Arts(1868-1876), un groupe d’artistes en faveur du réalisme et d’une peinture de paysage libérée des conventions académiques. En 1869, il est membre du comité administratif de la Société internationale des Aquafortistes (1869-1877) fondée par Rops. Sa pratique de la gravure se limite néanmoins à sa collaboration à l’illustration de La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs de Charles De Coster en 1867. Vers 1875, Artan, désireux d’établir sa renommée à Paris, rejoint temporairement Rops dans son atelier, rue du Bac. Il revient en Belgique dans le courant de l’année 1876. Comme Rops, il participe aux expositions de La Chrysalide (1876) et du groupe des XX (1884, 1887).

Actualisé par É. Berger, 2020

Asselineau François-Alexandre-Charles (13 mars 1820, Paris – 25 juillet 1874, Châtelguyon). Littérateur et érudit français. Il fait ses études au collège Bourbon à Paris (actuel lycée Condorcet) où il se lie d’amitié avec Félix Tournachon dit Nadar (1820-1910). À l’instar de ce dernier, Asselineau débute des études de médecine. Fils d’un médecin de l’administration, la fortune familiale lui permet de se consacrer à l’écriture. Il explore tout d’abord la décadence latine ce qui l’amène à fréquenter les plus obscurs écrivains de son siècle. Il collabore à différentes revues littéraires et artistiques, comme Le Courrier artistique, et réalise des notices sur des personnes comme Octave Uzanne (1890-1895). Asselineau écrit aussi différents ouvrages dont un recueil de nouvelles La double vie (1858), L’Enfer du bibliophile (1860), Le Paradis des gens de lettres (1862), Mélanges tirés d’une petite bibliothèque romantique (1866), L’Italie et Constantinople (1869), Bibliographie romantique (1872), etc.

Au Salon de 1845, il rencontre Charles Baudelaire (1821-1867), dont il devient un ami fidèle. Ainsi, il le soutient lors de la parution en 1857 des Fleurs du Mal, ouvrage dont il publie avec Théodore de Banville (1823-1891) en 1868 une 3ème  édition.  Caroline Aupick, la mère de Baudelaire, leur avait confié le soin d’éditer les Œuvres complètes de son fils. En 1869, il écrit la première biographie de Baudelaire publiée par l’éditeur Alphonse-Pierre Lemerre (1838-1912) : Charles Baudelaire, sa vie et son œuvre.

Au début des années 1850, il rencontre l’éditeur d’Alençon Auguste Poulet-Malassis (1815-1878) avec qui il publie entre 1854 et 1863 les œuvres de poètes parnassiens, quelques romans ésotériques et naturalistes, des curiosités bibliophiliques et des mémoires historiques.

Charles Asselineau est un bibliophile avertit ; il a sauvé de l’oubli plusieurs ouvrages dont le plus connu est Gaspard de la nuit de Louis Bertrand. C’est par son intermédiaire que Félicien Rops a réalisé le frontispice de l’ouvrage réédité en 1868.  Avec Albert Glatigny (1839-1873), Arthur Stevens (1825-1890), Auguste Poulet-Malassis, Rops et Asselineau font partie du cercle très restreint des amis de Charles Baudelaire.

Mis à jour par Giuseppe Di Stazio, septembre 2022

B

Billet Marie Henriette Valentine, Madame Léon Clapisson (1853-1930)
Épouse en 1865 Léon Clapisson (1837-1894), homme d’affaire richissime et collectionneur parisien dès 1879 en possession d’œuvres des écoles de Barbizon, réaliste et impressionniste. Par l’intermédiaire de son mari, Valentine Billet fréquente les artistes français d’avant-garde dont Auguste Renoir (1841-1919) qui devient un proche du couple et la peint en 1882 dans le jardin de leur villa à Neuilly-sur-Seine (Dans les roses) et en 1883 (un portrait conservé à l’Art Institute of Chicago). Rops rencontre Valentine Billet vers 1879 lorsqu’il fait la connaissance de son mari qui collectionne ses dessins et gravures. Le couple a une activité mondaine importante, organisant dîners et soirées auxquels Rops se rend, se permettant quelques familiarités puisqu’il demande l’autorisation à Madame Clapisson de venir en veston au repas du soir, revenant de la campagne en passant par Neuilly (éd. 0303). Rops grave « deux portraits de chats pour Mme Clapisson (2 chats pour une femme seule !) », où les lettres VC sont entrelacées  (éd. 1977, E0586 ; E0587 ; E0588). En 1882, Valentine Billet accompagne son époux et le Docteur Albert Filleau (1840-1894) à Bruxelles, pour une visite de la ville organisée par Rops, en compagnie de Léon Dommartin (éd. 2723). En 1894, après la mort de son mari, Valentine Billet revend la villa de Neuilly ainsi que ce qu’il reste de la collection de son mari qui avait commencé à s’en défaire dès 1885. En 1908, elle se sépare de son portrait fait par Renoir au marchand Paul Durand-Ruel (1831-1922). Elle meurt le 30 août 1930. 

Actualisé par V. Carpiaux, juillet 2021

Bonvoisin, Maurice, dit Mars (Verviers 1849 – Monte-Carlo 1912)
Fils aîné d’un industriel du textile verviétois, Maurice Bonvoisin mène de front jusqu’à l’âge de 32 ans une carrière d’homme d’affaires et de dessinateur humoristique. Il publie ses premières caricatures, sous le pseudonyme de Mars, en 1872 dans Le Monde comique et collabore ensuite au Journal amusant et au Charivari. Il rencontre Rops vers 1874. Sous l’impulsion de ce dernier, il s’initie à la gravure dans les années 1875-1876 et publie plusieurs eaux-fortes dans les albums de la Société internationale des Aquafortistes (1869-1877). En 1881, il déménage à Paris sur les conseils de Rops et s’y forge une réputation internationale dans le domaine de la presse illustrée. Bonvoisin a été l’un des collectionneurs et marchands les plus importants de Rops, assurant la vente de dessins majeurs tels que Pornocratès, La Saisie ou Le Scandale. Selon Péladan, sa collection comprenait en 1896 « 2000 planches environ » soit « la moitié de l’œuvre » de l’artiste. Sa collection vendue publiquement en 1913 comporte près de 174 œuvres et livres de l’artiste. Rops adresse au moins 183 lettres à Bonvoisin entre 1874 et 1884. La correspondance échangée entre les deux hommes livre de nombreuses informations sur la technique du dessin et les pratiques commerciales de Rops.

Actualisé par É. Berger, 2020

Bracquemond, Félix (né Auguste-Joseph, Paris, 1833 – Sèvres, 1914)
Artiste français, grand défenseur de l’estampe originale au 19ème siècle et amateur d’art japonais, il grave ses planches les plus célèbres dès les années 1850. Avec Alfred Cadart (1828-1875), il est l’un des fondateurs, en 1862, de la Société des Aquafortistes à Paris que Rops rejoint : « au bout de six mois j’étais nommé membre du Comité de la Société & à la fin de l’année je remplaçais comme membre du jury de la Société, le peintre-graveur Daubigny. Cela n’était pas si mal pour un petit Belge, venu de Bruxelles, ne sachant pas égratigner un cuivre […] » (éd. 2299). Bracquemond enseigne l’eau-forte à des graveurs débutants dont Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), Gustave Courbet (1819-1877) et Félicien Rops : « Devers 1862, je vins à Paris pour apprendre ‘Mon art’ avec l’homme ou plutôt avec les deux hommes qui ont le mieux compris l’eau-forte au 19e Siècle : Bracquemond & Jacquemart. » (éd. 2299). Bracquemond et Rops sont nés la même année et évoluent dans le même réseau artistique, faisant valoir tous deux leurs compétences techniques et créatives : les frères Jules (1830-1870) et Edmond (1822-1896) de Goncourt, Philippe Burty (1830-1890), Nadar (1820-1910) et bien d’autres. En 1864, l’éditeur Auguste Poulet-Malassis (1825-1878) et le poète Charles Baudelaire (1821-1867) confient à l’artiste français la réalisation du frontispice du recueil de poèmes Les Épaves mais son projet d’illustration ne convainc pas les deux hommes qui se tournent alors vers Rops. Le dessin de l’artiste belge, représentant un squelette prenant racine dans une végétation où croissent les péchés capitaux, remporte l’adhésion et l’ouvrage sort en 1866, lançant la carrière de Rops dans l’illustration d’ouvrages. Bracquemond participe à la première exposition des impressionnistes en 1874 en présentant notamment Portrait de M. Edwards qu’il publiera un an plus tard, en novembre 1875, dans l’Album de la Société Internationale des Aquafortistes (1869-1877) fondée par Rops. En 1889, Bracquemond est à la tête de la Société des peintres-graveurs : «  c’est un homme qui connait ses acides, comme pas un, & qui est adroit comme un singe ! » (éd. 1726). 

Actualisé par V. Carpiaux, juillet 2021

C

Cadart, Alfred (Saint-Omer 1828 – Paris, 1875)
Graveur, éditeur et marchand parisien, Cadart a joué un rôle essentiel dans le renouveau de l’eau-forte au 19ème siècle. La Société des Aquafortistes, fondée à Paris avec l’imprimeur Delâtre et le graveur Bracquemond en 1862, a son siège chez Cadart qui en édite les fascicules mensuels et albums. De 1863 à 1866, il publie environ 240 planches. Le siège de la Société est aussi un lieu de vente et d’exposition pour l’estampe moderne auprès d’un public mondain. En 1863, placé par l’écrivain Alfred Delvau, Rops y expose une lithographie et plusieurs dessins dont Un enterrement au pays wallon et Un Monsieur et une Dame. Rops semble se rapprocher davantage de Cadart en 1865, date à laquelle il devient membre de la Société des Aquafortistes. À la fin de 1867, des dissensions avec Delâtre, entraînent la dissolution de la Société. Cadart fonde alors L’Illustration nouvelle (1868-1881), une publication que soutiennent Desboutins, Bulhot et Rops, puis, en 1874, L’eau-forte en 18…, des albums annuels consacrés à l’eau-forte. En 1869, Rops, s’inspirant de la Société initiée par Cadart, fonde la Société internationale des Aquafortistes (1869-1877) à Bruxelles. Cadart y participe en soutenant ses publications et en jouant un rôle d’intermédiaire entre les membres belges et français. En 1869, peut-être à la demande de Rops, Cadart réalise un retirage des gravures illustrant La Légende d’Uylenspiegel de Charles De Coster. Cadart confie à Rops l’illustration de l’ouvrage d’Alexandre Piedagnel J.F Millet Souvenirs de Barbizon édité en 1876. À la mort de Cadart en 1875, les Aquafortistes belges lui rendent hommage et la veuve Cadart fait paraître une publicité pour les publications de la Société internationale des Aquafortistes dans son catalogue commercial de 1876. Cette dernière, avec l’aide de son fils Léon Cadart, reprend l’entreprise de son mari jusqu’à sa faillite en 1882. Durant cette période, Rops continue à passer par son intermédiaire pour la reproduction et la vente d’œuvres (éd. : 0237, 0471, 0475, 0553). Malgré l’interaction évidente entre Rops et Cadart, peu de lettres échangées entre les deux hommes ont été recensées à ce jour.

Actualisé par É. Berger, 2020

Christophe, Ernest (Loches 1834 – Paris 1892)
Sculpteur français, ami de Charles Baudelaire et d’Auguste Poulet-Malassis. Le poème Danse macabre (1859) de Baudelaire est inspiré d’une esquisse offerte par le sculpteur au poète. Rops le fréquente vers 1874 lorsqu’il s’installe à Paris (éd. 1445).

Actualisé par É. Berger, 2020

Caillebotte, Gustave (Paris, 19 août 1848 – Gennevilliers, 21 février 1894) : peintre, collectionneur, mécène des impressionnistes, Caillebotte expose en 1876, 1877, 1879, 1880 et 1882 avec le groupe des impressionnistes. Après avoir commencé des études de droit, il entre dans l’atelier du peintre académique Léon Bonnat. En 1873, il réussit l’examen d’entrée de l’Ecole des Beaux-arts de Paris. Issu d’une famille d’industriels, il hérite à la mort de son père, en 1874 d’une fortune suffisamment conséquente pour pouvoir se consacrer à sa passion : la peinture. Son tableau actuellement le plus célèbre s’intitule Les Raboteurs de parquet (https://www.musee-orsay.fr/fr/oeuvres/raboteurs-de-parquet-105) et est refusé au Salon officiel de 1875 à Paris. C’est sans doute cette déception qui pousse Caillebotte à s’entourer d’autres artistes de l’avant-garde dont il devient un ami proche : Claude Monet (1840-1926) dont il paie parfois le loyer de ses ateliers, Auguste Renoir (1841-1919), à qui il achète le Bal du Moulin de la Galette en 1876 ou encore Giuseppe De Nittis (1846-1884) chez qui il va peindre sur le motif à Naples (1872, 1876). Entre 1860 et 1879, Gustave et son frère possède une belle demeure dans l’Essonne, près de Paris, où il peint en plein air, comme beaucoup d’autres impressionnistes. Aujourd’hui, cette maison d’artiste est transformée en centre d’art (http://www.proprietecaillebotte.fr/la-propriete/gustave-caillebotte-447.html). Plus tard, il achète une propriété à Gennevilliers tout en gardant un appartement à Paris. Caillebotte est passionné par le jardinage et le canotage, au même titre que Félicien Rops qui s’intéresse à la botanique et fonde en 1862 le Royal Club nautique de Sambre et Meuse dans sa ville natale, Namur.  

Il est cité dans au moins deux lettres de Rops. En 1876, lors de l’ouverture de l’Exposition des Intransigeants, Rops écrit à son ami Léon Dommartin (éd. 2666) : « C’est la nouvelle voie de la nouvelle peinture. Il y a là un nommé Caillebotte, Carlebotte ou Courtebotte, je ne sais plus comment, qui va forcer l’avenir à lui tresser des couronnes, (comme je disais en 1853 en parlant de Mlle Adèle Dullé) – malgré son nom ridicule & impossible à retenir. Il a peint un tableau qui a pour avant plan une assiette pour second plan son frère qui déjeune & pour arrière plan sa grand mère, qui est une vraie chose des plus belles & des plus neuves. Slingeneyer en serait réduit en insecticide s’il voyait cela ! ». Rops fait référence à la toile Le Déjeuner réalisée en 1876, conservée dans une collection particulière (photo voir : https://www.wikiart.org/fr/gustave-caillebotte/luncheon-1876).  

Dans une lettre non datée (éd. 0881) adressée à son ami Armand Dandoy, Rops évoque Caillebotte en des termes élogieux et le compare à Edgar Degas (1834-1917) et Monet. Il y parle d’un nouveau courant pictural qu’il qualifie de « bizarre » et plein de « choses grotesques » mais reconnait que « il y a là trois bonshommes Caillebotte & Degas & Monet – (pas Manet) qui sont d’une jolie force & très artistes ».

Actualisé par V. Carpiaux et G. Di Stazio, septembre 2021

Clapisson, Léon Marie (1837-1894)
Fils du compositeur Antoine Louis Clapisson (1808-1866) auteur de divers opéras-comiques, Léon Clapisson est un homme d’affaires intéressé par les actions et l’immobilier. Il est en possession d’une fortune colossale dès 1865. A partir de 1879, Léon Clapisson commence à collectionner des œuvres d’art. A la fin de mai 1882, il acquiert ses premières œuvres de Renoir auprès du marchand d’art Paul Durand-Ruel (1831-1922). En 1882 et 1883, Renoir peint deux portraits de Madame Clapisson, dont un dans le jardin de leur villa à Neuilly-sur-Seine (nom de jeune fille : Marie Henriette Valentine Billet) et un portrait de Clapisson lui-même (1883). En une courte période Clapisson rassemble quelque 116 œuvres, dont des œuvres d’artistes des écoles de Barbizon et des écoles réalistes. Outre Renoir, les artistes impressionnistes de sa collection sont Claude Monet, Gustave Caillebotte, Mary Cassatt, Berthe Morisot, Camille Pissarro et Alfred Sisley. Dès 1879, Rops évoque des soupers en compagnie de Léon Clapisson (éd. 1386), dont des soirées déguisées qu’il fréquente avec le Docteur Albert Filleau (1840-1894), autre grand amateur d’art impressionniste. Rops réalise un menu pour Léon Clapisson qui commence à collectionner ses dessins dès 1879. En 1882, Rops organise pour les deux hommes et Mme Clapisson un voyage en Belgique, dont Bruxelles, Anvers et les Pays-bas (éd. 1386, 2302). Rops réalise pour l’épouse du collectionneur « deux portraits de chat » (n° éd. 1977, E0586 ; E0587 ; E0588). En 1883, Rops prétend que le « marchand de tableaux » veut l’engager comme dessinateur contre un salaire mensuel (éd. 1087). En 1885, cependant, Clapisson commence à vendre sa collection. Le 15 mars 1894, Rops écrit : « Mon pauvre ami Clapisson est mort cette nuit subitement, et cela me navre. Ils s’en vont tous, mes pauvres amis, et ils emportent avec eux des morceaux de ma vie » (éd. 1809).

Actualisé par V. Carpiaux, juillet 2021

Corot, Jean-Baptiste Camille (Paris 1796 – Ville d’Avray 1875)
Peintre et graveur français. Corot se spécialise d’abord dans des paysages néoclassiques étoffés de petits personnages. C’est avec ce type d’œuvres, exposées dans les Salons parisiens, qu’il obtient une médaille en 1834 et le titre de Chevalier de la Légion d’honneur en 1846. Vers 1850, alors que l’artiste connaît un succès commercial grandissant, il s’oriente vers la représentation de paysages oniriques caractérisés par des ambiances vaporeuses, des formes suggérées et une touche picturale perceptible qui « annonce » l’impressionnisme. En Belgique, ses œuvres sont tant appréciées que décriées. Elles sont exposées dans les Salons triennaux (1856, 1860, 1869, etc.) et font l’objet de nombreuses acquisitions auprès des collectionneurs. Comme d’autres peintres belges de sa génération, Rops associe l’artiste à sa propre expérience de la peinture de plein air et l’admire : « […] mes grands artistes sont Corot et Millet – puis Delacroix Rousseau & Courbet » affirme-t-il en 1880 (éd. 2920). Dans une lettre à Léon Dommartin, Rops dit n’avoir rencontré Corot qu’une seule fois (éd. 2680). En 1868, Corot est contacté par les artistes de la Société libre des Beaux-Arts (1868-1876) afin de devenir l’un de leurs membres d’honneur. Ce groupe d’artistes bruxellois en faveur du réalisme et d’une peinture de paysage libérée des conventions avait, entre autres, été initié par Rops. Pour ces artistes, Corot incarne, aux côtés de Rousseau et Millet, la « lutte » de la génération de 1830 pour affranchir l’art des règles académiques.

Actualisé par É. Berger, 2020

Courbet, Gustave (Ornans 1819 – La Tour-de-Peilz 1877)
Peintre, lithographe et dessinateur français. Toute sa vie, Courbet a prôné une peinture libérée des règles académiques et qui rend compte de la réalité sociale. Son œuvre Les Casseurs de pierre (1849), dépeignant la réalité quotidienne de deux ouvriers dans un format monumental jusque-là dévolu à la peinture d’histoire, suscite de nombreuses polémiques notamment dans le cadre du Salon bruxellois où elle est exposée en 1851. Rops, grand admirateur du peintre, en livre une caricature dans son album satirique Le Diable au Salon (1851). Les deux artistes semblent s’être rencontrés dans les années 1860, années où ils illustrent tous deux l’Histoire anecdotique des cafés & cabarets de Paris d’Alfred Delvau (1862) et se fréquentent au café le « Rat-Mort », Place Pigalle (éd. 3102). En 1868, Courbet accepte le titre de membre d’honneur de la Société libre des Beaux-Arts (1869-1876), un groupe d’artistes fondé entre autres par Rops et dont le but est de promouvoir, en Belgique, le réalisme et une peinture de paysage libérée des conventions. L’héritage de Courbet dans l’œuvre de Rops est bien perceptible. Un enterrement au pays wallon (1864) de Rops, basé sur son précepte esthétique de peindre « ce qu’il voit et ce qu’il sent », réfère tant par sa composition que son sujet à Un Enterrement à Ornans (1850) de Courbet. Les peintures de paysage de Rops montrent aussi un traitement matiériste de la couleur proche de celui du Maître d’Ornans.  

Actualisé par É. Berger, 2020

D

Dandoy, Héliodore (1831-1909)
Photographe belge, Héliodore Dandoy ou « Hély pour les Liégeois » (éd. 1837), est le frère ainé d’Armand Dandoy (1834-1898). Associé à ce dernier sous le nom « Dandoy frères », puis  travaillant seul, il est actif à Namur (1856-1861), Spa (1861-1866), Anvers (1866-1874), Maastricht (1874-1884) et Liège (à partir de 1884). Héliodore réalise plusieurs portraits photographiques de Félicien Rops en juillet 1893, qui serviront de modèles aux graveurs belges Adrien de Witte (1850-1935) et Louise Danse (1867-1948).

Actualisé par T. Cleerebaut, février 2022

De Coster, Charles-Théodore-Henri (20 août 1827, Munich – 7 mai 1879, Ixelles)
Écrivain belge francophone avec qui Rops collabore à plusieurs reprises. Rops adresse au moins une quarantaine de lettres à De Coster principalement entre 1857 et 1867. Né de père flamand (Augustin-Joseph De Coster) et de mère wallonne (Anne-Marie Cartreul), Charles est issu d’un milieu modeste. Ses parents étaient au service de Monseigneur d’Argenteau, comte de Mercy, nonce apostolique en Bavière et archevêque de Tyr.

La famille De Coster s’installe à Bruxelles vers 1830 ; Charles est élevé par sa mère et sa tante – Marie-Charlotte Cartreul – suite au décès de son père en 1834. Il est choyé par sa mère qui souhaite un meilleur sort pour son fils. En 1844, vraisemblablement grâce à l’intervention de la baronne d’Hoogvorst, sœur de Monseigneur d’Argenteau, et son mari, commissaire de la Société générale de Belgique, Charles obtient un poste d’employé administratif tel que voulu par sa mère. Après six années, miné par la monotonie de sa condition et des rêves d’écriture, il s’inscrit à la jeune Université libre de Bruxelles en décembre 1850 à la Faculté de droit. C’est au sein de la Société des Joyeux, un cercle bachique et littéraire fondé à Ixelles que Charles De Coster et Félicien Rops vont se rencontrer probablement vers 1851, date à laquelle Félicien est signalé au sein de la société. L’écrivain en a d’ailleurs rédigé la Charte inaugurale le 16 septembre 1847.

Epris de liberté, les deux hommes ont été membres de la Franc-maçonnerie et de la Libre Pensée. Charles De Coster est initié, par l’entremise du journaliste et pamphlétaire libéral Charles Potvin (1818-1902), le 7 janvier 1858 dans la loge « Les Vrais Amis de l’Union et du Progrès réunis », à l’Orient de Bruxelles. Alors que Félicien Rops est initié apprenti franc-maçon le 1er juillet 1861 à la loge « La Bonne Amitié » à l’Orient de Namur.

En 1856, De Coster participe avec Rops à la création de l’Uylenspiegel, journal des ébats artistiques et littéraires (1856-1863), un hebdomadaire qui se veut libertaire et anticonformiste. Sous le pseudonyme de Karel, il y signe des réflexions politiques et ses premiers essais littéraires. En 1858, il publie Les Légendes flamandes, ouvrage pour lequel Rops compose son premier frontispice. Rops illustre ensuite ses Contes brabançons (1861) et réalise trois eaux-fortes pour La Légende d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs, éditée en 1867 par la maison d’édition Librairie internationale A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie, à qui l’on doit l’édition en 1866 des Misérables de Victor Hugo. Deux années plus tard, lors de la seconde édition, l’ouvrage s’intitulera La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs. Il s’agit de la dernière collaboration entre De Coster et Rops. A cette époque, le rapport de force a changé puisque l’artiste possède un statut nouveau et devient plus autonome par rapport à l’écrivain.

Charles De Coster est influencé par ses lectures (Chateaubriand, Lamartine, Hugo, Balzac, Dumas, de Musset,…) mais aussi par les arts : il fréquente les milieux artistiques – il est notamment l’ami de Charles de Groux (1825-1870) ou encore Xavier Mellery (1845-1921) –, visite les musées, … Le génie de De Coster est surtout le fruit d’un travail acharné et d’une longue patience. En effet, c’est surtout à partir de 1856 que son style va se forger après des débuts littéraires plutôt laborieux. Son amour des traditions locales a marqué une génération d’écrivains après lui comme Camille Lemonnier (1844-1913), Georges Eekhoud (1854-1927) dont De Coster fut le répétiteur à l’Ecole royale militaire ou encore Eugène Demolder, futur gendre de Rops (1862-1919). Caroline De Coster, la sœur de Charles épousera un autre ami de Rops, le namurois Armand Dandoy et deviendra l’une des amies proches de Charlotte Polet de Faveaux, l’épouse de Félicien (Lettre de Félicien Rops à Caroline De Coster, Namur, 15 août [1865], n° d’éd. 3326).

Actualisé par G. Di Stazio, octobre 2022

Degas, Edgar (né Hilaire Germain Edgar de Gas, Paris 1834 – Paris 1917)
Peintre, pastelliste, dessinateur, sculpteur et graveur français dont l’œuvre dessinée a fortement impressionné et influencé Félicien Rops, par ses thèmes et ses techniques. Degas subit l’influence du naturalisme, s’intéresse à la photographie et découvre les estampes japonaises. Degas fréquente le Café Guerbois à Paris vers 1868 et y rencontre Edouard Manet (1832-1883), Auguste Renoir (1841-1919) et Claude Monet (1840-1926). Dès l’installation de Rops dans la capitale française en 1874, l’un et l’autre se fréquentent, notamment au café La Rochefoucault : « Qui je vois ? – Tout un monde drôle. Je dîne & je déjeune souvent au Café Larochefoucault où je trouve Dupray, Degas Gervex, Jourdain Cormon, Duez, un tas de jeunes » (éd. 0066), aux dîners du « Pot-au-Feu » du Docteur Albert Filleau (1840-1894), ou tout simplement dans l’atelier de Rops. Degas et Rops se partagent un même réseau d’artistes et de collectionneurs, comme le Docteur Filleau ou Léon Clapisson (1837-1894). En 1874, Degas participe à la première exposition des impressionnistes mais sans partager l’enthousiasme du groupe pour la peinture de plein air et le paysage. Son sens aigu du modernisme l’oriente vers des scènes familières et le monde hippique. Il se passionne également pour le monde de la danse (Danseuse saluant, 1878, Danseuse à la barre, 1880) en mettant l’accent sur les effets de lumière artificielle. Souffrant de la vue, Degas emploie de préférence le pastel, y mêlant le crayon, la gouache, la peinture à l’essence. Dès 1876-1877, après que Rops ait visité les expositions impressionnistes à la galerie de Paul Durand-Ruel (1831-1922), l’artiste belge se met à vouloir rivaliser avec la technique du Parisien par des procédés de son invention : « L’huile, ou plutôt la térébenthine qui donne presque mat (car Manet, moi, & de Gas nous sommes fortement partisans des peintures mates, d’où nos recherches de pastel de gouache &c) me semble plus rapide & plus expressive, on saisit son modèle & l’impression est plus franche & plus vibrante. » (éd. 0308). Sur des thèmes qu’ils partagent, comme la prostitution, Degas va rencontrer un succès plus franc que Rops qui restera davantage confidentiel à cause de son statut d’illustrateur et de son refus de participer à des expositions. Dans ses lettres aux critiques d’art Camille Lemonnier (1844-1913) et Edmond Picard (1836-1924), Rops oppose la modernité en art dont il est un féroce défenseur à la peinture « non vivante » d’Alfred Stevens, peintre belge remportant pourtant un vif succès à Paris. Du point de vue technique et thématique, Degas est cité en exemple par Rops et Stevens en… contre-exemple : « Il y a plus de modernité dans un croquis de DeGas que dans tous les tableaux de Stevens. […] Cette opinion c’est celle de toute la jeune école française, des Gervex, des Bastien Lepage, des Carolus-Duran même, des DeGas, des Tissot &c &c. Ils ne savent pas ‘peindre’ peut-être comme Stevens mais comme ‘l’Intelligence’ brille dans ce qu’ils font ! » (éd. 2920). « […] La modernité Stevens est une bonne modernité : calmante, tonique, constitutionnelle, peu échauffante […]. Mais on pense qu’il y a bien d’autres modernités ! & bien plus élevées, bien plus intéressantes, bien plus humaines […] ; que les gens qui s’appellent Nittis, Bastien-Lepage, Tissot, Degas, Gerveix, Monet, Beraud, Forain […] ont bien aussi leur ‘modernité’ à eux » (éd. 2278). Rops mentionne une quinzaine de fois Degas dans sa correspondance, toujours en des termes élogieux et inspirants.

Actualisé par V. Carpiaux, juillet 2021

de Goncourt, Edmond (Nancy, 1822 – Draveuil, 1896) et Jules (Paris, 1830 – Paris, 1870)

Écrivains naturalistes et collectionneurs d’art français, les frères Goncourt commencent à rédiger conjointement leur Journal. Mémoires de la vie littéraire en 1851. Terminé seul par Edmond, après le décès précoce de Jules en 1870, ce document retrace la vie des deux hommes et l’effervescence du milieu artistique parisien durant la seconde moitié du 19e siècle. Félicien Rops y apparait pour la première fois en 1866, lors d’un passage au domicile des écrivains au quatrième étage du 43 de la rue Saint-Georges à Paris : « 5 décembre. — Nous avons la visite de Rops qui doit illustrer la Lorette. Un bonhomme brun, les cheveux rebroussés et un peu crépus, de petites moustaches noires en forme de pinceaux, un foulard de soie blanche autour du cou, une tête où il y a du duelliste de Henri II et de l’Espagnol des Flandres. Une parole vive, ardente, précipitée, où l’accent flamand a mis un ra vibrant » (Journal, vol. 3, 1866).

À cette époque, Félicien Rops côtoie « le Grenier », le salon littéraire des Goncourt  avec lesquels il partage une attirance commune pour la modernité et la gravure. Dès 1865, les trois amis sont en effet membres de la Société des aquafortistes en même temps. Le Namurois collabore également avec les deux frères à l’illustration de leurs ouvrages (éd. 0520). Cependant, plusieurs projets comme l’illustration de La Lorette, de Germinie Lacerteux (éd. 2012 et 2426) et de L’Amour au XVIIIe siècle (chapitre détaché de La Femme au XVIIIe siècle), confiés à Rops n’aboutiront jamais ; ce dernier laissant trainer les projets pendant plusieurs années.

S’il n’honore pas ses commandes, Rops éprouve toutefois de l’estime pour les deux écrivains. En témoigne cette lettre adressée à Philippe Burty en 1869 : « Je vais illustrer ‘la lorette’ pour l’amour de l’Art et pour l’estime toute particulière en laquelle je tiens le talent de MMrs de Goncourt » (éd. 1529). Auprès de son ami Henri Liesse, il ira même jusqu’à les considérer comme des « dieux » de la littérature de son temps : « Ici la littérature active est en plein réalisme : Zola, Goncourt & Flaubert sont les Dieux ; – Daudet suit en troisième ligne, Malot en cinquième » (éd. 0062).  Et il fait également l’éloge d’Edmond de Goncourt auprès de Georges Camuset en 1884 : « Goncourt est trop merveilleusement peintre dans toute l’acception du mot. Son Jupillon vaut mieux que le mien : il fait mon métier, et mieux que moi !» (éd. 3032).

En 1868, Félicien avait également offert aux deux frères, Parisine, un dessin au fusain inspiré directement du personnage principal de leur livre Manette Salomon (1867) et dépeignant l’image sombre de la femme fatale qui provoque la ruine d’un peintre talentueux sous les traits d’une élégante parisienne. « Rops, qui nous a envoyé le dessin d’une fille du plus artistique style macabre portant cette dédicace : À MM. Edmond et Jules de Goncourt, après Manette Salomon, vient nous voir. Un étrange, intéressant et sympathique garçon. Il nous parle spirituellement de l’aveuglement des peintres à ce qui est devant leurs yeux, et qui ne voient absolument que les choses qu’on les a habitués à voir : une opposition de couleur par exemple, mais rien du moral de la chair moderne. Et Rops est vraiment éloquent, en peignant la cruauté d’aspect de la femme contemporaine, son regard d’acier, et son mauvais vouloir contre l’homme, non caché, non dissimulé, mais montré ostensiblement sur toute sa personne» (Journal, vol. 3, 1868). Exposée dans la chambre de Jules jusqu’en 1896-1897, cette oeuvre est acquise de l’Anversois Charles Mendiaux en 1899 par les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique et y est conservée depuis lors. « Parmi ces chambres (du second étage), il en est une, où il y a un lit aux rideaux fermés, et sur les murs, deux ou trois eaux-fortes, signées J. G., au milieu desquelles est accroché l’original et macabre dessin d' »Une parisienne », portant cette dédicace de Rops : « A MM. Edmond et Jules de Goncourt, après Manette Salomon ». C’est la mansarde d’étudiant, où mon frère aimait à travailler, la chambre choisie par lui pour mourir, et demeurée telle qu’elle était le lendemain de sa mort, avec le fauteuil-balanceur dans lequel il se plaisait à fumer après un morceau de style » (Pierre GILISSEN, 1995, p. 254, reprise de Edmond de Goncourt, La Maison d’un artiste, t. II, 1881).

Edmond et Félicien se revoient ensuite, le 16 avril 1889, lors d’un dîner organisé chez Marguery par les amis du « Grenier », en présence de trente-cinq « goncourtistes ». « J’ai à ma gauche Rops, le causeur coloré, à la phrase fouettée, et qui m’entretient tout à la fois du dramatique de la campagne de 1870, et de sa folie amoureuse pour les rosiers de son jardin de Corbeil. En un croquis parlé de peintre, il me silhouette un de Moltke, faisant la campagne de France en pantoufles. Puis il m’introduit, au crépuscule, dans une chaumière, où au moment de prendre une pomme de terre dans un pot de fonte sur le feu, il est soudain arrêté par la vue d’une femme couchée à terre sur la figure, et les cheveux répandus ainsi qu’une queue de cheval dans une mare de sang, et comme il sort dans la cour, il se trouve en face d’un homme appuyé debout sur une herse, en train de mourir, avec un restant de vie dans les yeux, épouvantant. Un spectacle qui l’a rempli d’une terreur nerveuse comme il n’en a jamais éprouvé, et au milieu de laquelle, il s’est trouvé dans l’obligation d’appeler un camarade, pour prendre la femme et la transporter dans la voiture d’ambulance » (Journal, vol. 8, 1889).

À cette époque, Rops continue de considérer l’écrivain en haute-estime dans ses lettres malgré les années qui passent : « Dommartin est ‘un vieux’ & l’a toujours été d’ailleurs. Les jeunes le troublent ; moi, je ne les trouve jamais assez jeune ! Paris est composé de vieux, & de jeunes ! – Daudet & Zola ont toujours été : ‘vieux’. Goncourt a toujours été jeune. Alex. Dumas père, Banville, Corot, Daubigny, ont toujours été jeunes, – Cabanel & Alex. Dumas fils et Bouguereau &c : vieux ! » (éd. 1547). Et réciproquement, puisque Edmond écrit ces mots en novembre 1889 : « Les eaux-fortes de Rops que j’aime avant tout sont ces lettres d’invitation, ces programmes, ces adresses, ces menus, où l’eau-forte, dans les petites choses et les petits êtres magistralement dessinés, a ces doux tons gris, mangés, neutralisés, d’un crayon de mine de plomb du numéro le plus dur, sur de la peau de vélin » (Pierre GILISSEN, 1995, p. 264).

Les deux hommes se croiseront à plusieurs reprises dans une série de circonstances mondaines : le 17 novembre 1887, aux « Dîners de la Banlieue » présidés par Goncourt, auxquels assistent également Claude Monet, Octave Mirbeau et J.-H. Rosny (éd. 1137) ; et le 12 décembre 1890, lors d’un diner dans l’hôtel alhambresque des Lockroy, donné à l’occasion du mariage de Jeanne Hugo et de Léon Daudet, en compagnie des Gouzien, de Catulle Mendès, de Gille et du Figaro, par exemple (Pierre GILISSEN, 1995, p. 265). C’est aussi le cas le 1er mars 1895, où Rops fait partie du comité d’organisation d’un banquet célébrant la promotion comme officier de la Légion d’honneur d’Edmond de Goncourt. Dans sa lettre d’acceptation à l’évènement, le Namurois parle de ce dernier en termes élogieux : « Il y a quelques jours, où je relevais mes anciens calepins de notes, de ces notes qu’on s’adresse à soi-même, j’y retrouve ceci : ‘Dans le travail, lorsque par lâcheté, l’envie de faire du chic vous prend, et que l’on se sent glisser à la facilité et à la légèreté banale de l’exécution, penser aux Goncourt, à la sincérité, à l’honnêteté, à la droiture de leur œuvre’. Et voilà pourquoi Edmond de Goncourt a été mon maître, si indigne élève que je fusse» (Journal, vol. 9, 1895).

La relation entre les deux amis prendra fin en 1896, à la mort d’Edmond, vingt-six ans après son frère cadet Jules. Aujourd’hui, les Goncourt sont surtout connus pour l’Académie portant leur nom, créée en 1900 d’après le souhait testamentaire d’Edmond et décernant son prestigieux prix de littérature depuis 1903. Les deux frères sont également célèbres pour leur goût très prononcé pour l’art japonais. Proche du marchand d’art japonais Hayashi Tadamasa (1853-1906), Edmond a notamment écrit, en 1881, La Maison d’un artiste, ouvrage dans lequel il répertorie les objets d’art de son domicile et produit un travail de recherche conséquent pour son époque sur l’art japonais qu’il collectionne. Il est également l’auteur des ouvrages Outamaro : le peintre des maisons vertes (1891) et Hokousaï : l’art japonais au XVIIIe siècle (1896), les deux premières biographies occidentales dédiées à ces artistes japonais.

Actualisé par C. Provins et T. Cleerebaut, septembre 2022

Delvau, François Monique Alfred (Paris, 7 avril 1825 – Paris, 3 mai 1867). Journaliste, chroniqueur et écrivain français. A publié des critiques et des articles en utilisant le pseudonyme « Léon Fuchs ». Il est un des habitués du château de Thozée. Il dédicacera d’ailleurs les Amours buissonnières à Charlotte Polet de Faveaux (1832-1929), l’épouse de Félicien Rops. Il est aussi l’un des rares amateurs à posséder quelques-unes des œuvres du sulfureux artiste namurois.

Alfred Delvau est le fils de Nicolas Auguste Désiré Delvau – un maître-tanneur du faubourg Saint-Marceau, un quartier de la capitale aux bords de la Bièvre – et de Jeanne Catherine Méchet. Il raconte son enfance en 1854 dans Au bord de la Bièvre : impressions et souvenirs. Il se lance très tôt dans le journalisme puisqu’en 1846, il écrit pour La Réforme, un quotidien républicain fondé par Alexandre Ledru-Rollin (ministre de l’Intérieur en 1848) le 29 juillet 1843 dont Delvau deviendra le secrétaire particulier. Il publie aussi des articles et des chroniques pour des journaux satiriques comme Le Triboulet, Le Journal pour rire ou encore La Canaille. Delvau rencontre probablement l’éditeur alençonnais Auguste Poulet-Malassis (1815-1878) en 1848 avec qui il se lie d’une profonde amitié. Avec Antonio Watripon (1822-1864) et Poulet-Malassis, il fonde L’Aimable faubourien. Journal de la canaille, un bihebdomadaire qui ne comptera que six numéros entre 1848 et 1849. L’amitié entre les trois hommes est forte comme en atteste un épisode du 23 juin 1848, où lors des insurrections, ils avaient essuyé ensemble le feu des barricades, rue des Mathurins.

Entre 1848 et 1850, Delvau fonde parfois seul de nombreux journaux révolutionnaires comme beaucoup d’autres écrivains engagés. Malheureusement, ces derniers sont éphémères. C’est aussi à cette période qu’il publie son premier ouvrage dans le sillage de Balzac Grandeur et décadence des grisettes chez A. Desloges en 1848. Il fait « son entrée » dans la bohème parisienne au cours de l’année 1851. Il côtoie dans les années suivantes de nombreuses personnalités comme Charles Baudelaire dont il est l’un des proches. Vers 1856, il devient rédacteur en chef du Rabelais. Sous la plume de Léon Fuchs, Delvau publie dans Le Rabelais du 17 octobre 1857 un article dithyrambique sur Rops qu’il décrit comme « un Gavarni de la Belgique – un Gavarni doublé d’un Daumier ». C’est aussi dans le Rabelais que Delvau et Watripon défendront Baudelaire lors du procès de 1857. Cette année-là et en 1858, il fait l’objet de poursuites judiciaires (Dans Un aimable faubourien. Alfred Delvau (1825-1867), René Fayt précise que Le Rabelais a succombé aux poursuites pour outrages à la morale publique et aux bonnes mœurs après 70 numéros parus entre mars et novembre 1857 ainsi que son rédacteur, Delvau lui-même)  .

Sa réputation de spécialiste de la littérature érotique et des mœurs parisiennes était parvenue aux oreilles de Rops qui entra en contact avec lui. Cette notoriété bien acquise vers 1860 va contribuer à la renommée de Rops en France. Delvau est le premier à parler des œuvres de Félicien Rops à Paris (même si ce dernier avait déjà été repéré par Nadar en Belgique). Delvau fait quelques passages en Belgique en 1862 et en 1863. Il fait partie des proches de la famille Rops comme en témoigne certaines lettres (e.g. lettre de Félicien Rops à Alfred Delvau, [novembre 1862], 13 Rue Neuve Namur, www.ropslettres.com, n° d’éd. 0797) ou encore la dédicace à Charlotte de son premier roman Les Amours buissonnières (paru chez E. Dentu à Paris, imprimé chez la Veuve Parent, Bruxelles, 1863).

Alfred Delvau va servir de guide à Félicien Rops dans le Paris cosmopolite des années 1860. Les liens tissés entre les deux hommes vont se manifester par les illustrations de plusieus ouvrages érotiques comme Histoire anecdotique des cafés et cabarets de Paris (éditeur E. Dentu, 1862), Les Cythères parisiennes. Histoire anecdotique des bals de Paris (éditeur E. Dentu, 1864), ou encore de Le Grand et le Petit Trottoir (1866), qui lui apporteront quelques succès. Delvau est aussi celui qui introduit Rops en 1863 à Poulet-Malassis. Il compte parmi les intimes de Thozée et les rares amateurs à posséder quelques-unes de ses œuvres.

Actualisé par Giuseppe Di Stazio, novembre 2022

De Nittis, Giuseppe (1846, Barletta – 1884, Saint-Germain-en-Laye). Peintre et graveur italien ainsi que collectionneur d’art japonais. Il étudie la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Naples en 1860 où il commence à peindre dans un style réaliste. Giuseppe y reste jusqu’en 1863. Comme Rops, il ne supporte plus les préceptes académiques et participe, avec ses amis Marco de Gregorio (peintre italien, 1829-1876) et Federico Rossano (peintre italien, 1835-1914), à la naissance de l’École de Resina (1863-1867), un « cercle d’artistes radicaux qui, ne reconnaissant aucune autorité, méprisant tout ce qui pouvait leur procurer du bien-être à condition de faire des concessions à la mode, se délectèrent des satisfactions intimes que procurent aux vrais artistes, communiant autour des mêmes idées, l’observation attentive de la Nature » (Boschetto A., Scritti d’arte di Diego Martelli, Sansoni editore, Florence, 1952). En 1867, il s’établit à Paris et côtoie des artistes du mouvement impressionniste, comme Edgar Degas (1834-1917), Edouard Manet (1832-1883), Gustave Caillebotte (1848-1894). Comme Félicien Rops, Giuseppe De Nittis est une relation du couple de sculpteurs et collectionneurs Cyprien (1835-1909) et Matylda ( ? – 1887) Godebski, qui animent un salon à la rue de Prony à Paris. De Nittis épouse Léontine Lucile Gruvelle, une écrivaine parisienne quelques mois après leur rencontre chez les Morin en 1868 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k82885h/f22.image). Giuseppe De Nittis compte parmi ses amis proches Edouard Manet (1832-1883), le peintre Ernest Meissonier (1815-1891), le marchand d’art Ernest Goupil (1806-1893), le critique d’art italien Diego Martelli (1838-1896) ou encore Edmond de Goncourt (1822-1896) (voir Giuseppe De Nittis. La modernité élégante, Catalogue de l’exposition, 21 octobre 2010 – 16 janvier 2011, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Paris musées, 2010). Dans les années 1860, comme Félicien Rops, De Nittis va pratiquer l’eau-forte et la pointe sèche dans les ateliers de l’éditeur Alfred Cadart (1828-1875). Il expose ses toiles dans divers lieux prestigieux comme en 1874 au Salon à Paris, au Salon de la Société des amis des arts de Bordeaux ou encore lors de la première Exposition impressionniste chez le photographe Nadar (1820-1910). En 1878, il connait une grande reconnaissance en présentant onze toiles à l’Exposition universelle de Paris. Il meurt brutalement d’une embolie à l’âge de 38 ans à Saint-Germain-en-Laye et est enterré au cimetière du Père Lachaise. Dans son testament rédigé le 3 novembre 1912 (elle meurt le 13 août 1913), Léontine Gruvelle lègue à la ville de Barletta (Pouilles, Italie) les œuvres conservées dans l’atelier de son mari sis rue Viète dans le 17e arrondissement de Paris : http://www.barlettamusei.it/cron_donazione.html.

Félicien Rops tient manifestement l’art de De Nittis en haute estime. Il le cite dans une dizaine de lettres, posant le problème de la lumière dans la peinture en plein air en se référant aux impressionnistes : « Chaque fois que Nittis finit un effet de soleil il se met dedans. Chaque- fois qu’il pince l’impression, « le brésillement » de lumière » le pétillement, l’étincellement de ces mille valeurs qui scintillent partout dans la diffusion de l’effet il y est ! C’est pour cela que les impressionnistes rendent si bien ces effets là & si mal les effets où l’air ambiant étant plus calme, plus reposé, sans soleil, l’œil peut voir à la fois l’ensemble & le détail. » (éd. 1435). Dans les autres lettres, il souligne surtout la modernité qu’il trouve chez ce peintre : « Nittis est de vingt ans en avant et fait vivant, vibrant et neuf. » (éd. 3003). Mais toujours avec son franc parler, Rops est critique quant à la personnalité de l’artiste : « […] et Nittis très artiste aussi, mais napolitain, faiblot, peureux, laissant faire sa femme et ayant toutes les roueries italiennes et aussi toute la folie des vanités mondaines, bonnes pour les agents de change & les boursiers Juifs. » (éd. 1615). Lors d’un dîner chez les De Nittis en 1882, Rops relate qu’il s’est emporté : « Hier, j’ai été chez Nittis, derechef, & j’y ai mis franchement le pied dans, & sur tous les plats. On ne m’invitera plus, & j’en suis fort aise. J’ai commis dans ce salon, o[ù] les artistes & les gens de plume sont aux genoux des banquiers, le plus grand des crimes : le crime de lèse-million, en disant simplement qu’il n’y avait que les gens qui dès l’enfance se mouchaient dans leurs doigts pour tirer vanité d’un mouchoir de poche, que les artistes & les littérateurs gens qui avaient le bonheur d’être d’une classe moralement plus élevée que les autres, n’avaient pas à tirer vanité d’un fauteuil, & qu’ils devaient laisser ces petits plaisirs aux infortunés milliardaires qui n’avaient que cela, pour se réjouir en revenant de la Bourse. Bref que toutes ces ostentations, & ces ébahissements dans le luxe frais émoulu, ne prouvaient jamais qu’une piètre naissance & une éducation de hasard. – Tu vois d’ici les têtes !!! – En sortant, Banville me dit : Vous avez bien parlé à ces gens-là, mais malheureux, vous avez manqué « la vente » de vingt dessins !! – puis vous saviez donc que Mme de Nittis a été blanchisseuse ! – Je n’aurais jamais trop d’ennemis, ai-je dit au bon père Banville. » (éd. 3477). Cet esclandre démontre les convictions morales de Félicien Rops face à une classe sociale aisée qui, comme le souligne l’écrivain Théodore Banville (1823-1891), possède en son sein une série de collectionneurs potentiels. Rops critique ici ses confrères artistes qui, parfois partis du bas de l’échelle sociale, se hissent et séduisent la bourgeoisie fortunée. En critiquant l’attitude de Guiseppe De Nittis et de son épouse Léontine Gruvelle lors des soirées mondaines qu’ils organisent, Rops se range parmi les artistes gardant leur liberté de création, n’ayant pas besoin du support de riches collectionneurs.

Actualisé par V. Carpiaux & G. Di Stazio, septembre 2021

De Witte, Adrien (1850-1935)
Peintre, dessinateur et graveur liégeois, Adrien de Witte est connu pour ses peintures de portraits, de fleurs, de genre, de figures et de natures mortes. Élève de l’Académie des Beaux-Arts de Liège, il en devient professeur (1885-1921), puis directeur (1910-1913). Parmi ses élèves se trouvent des grands noms de l’école liégeoise : Émile Berchmans, Robert Crommelynck, Auguste Donnay, Jean Donnay, Olivier Duchâteau, Richard Heintz, François Maréchal, Toussaint Renson, Armand Rassenfosse et Xavier Wurth. De Witte fait la connaissance de Félicien Rops au plus tard en octobre 1889 (éd. 1694), vraisemblablement par l’intermédiaire de l’imprimeur François Nys. À plusieurs reprises, Fély exprimera son admiration pour le talent du Liégeois : « Dewitte est un artiste de très grand mérite, et il lui manque peu de chose pour être tout à fait hors pair, et un maître » (éd. 1743), « Les pastels de de Witte sont très beaux, – aussi beaux que n’importe quels pastels. Réellement de Witte a eu tort de ne pas choisir un terrain artistique plus vaste que Liége. Au fait s’il est heureux, il a raison. Le sol natal a des douceurs que rien ne remplace » (éd. 1797). Ami du photographe liégeois Léonard-Hubert Zeyen (1840-1907), De Witte est l’auteur d’un très beau portrait de Rops (GAR 003.1), gravé d’après une photographie prise dans le studio d’Héliodore Dandoy (1831-1909) en juillet 1893, sur demande de Félicien lui-même.

Actualisé par T. Cleerebaut, février 2022

Dürer, Albrecht, dit Albrecht Dürer le Jeune (Nuremberg 1471 – 1528)
Dessinateur, graveur et peintre allemand également connu comme théoricien de la perspective linéaire. Dans sa correspondance, Rops le mentionne peu mais ses allusions à l’artiste montrent qu’il connait certaines de ses œuvres (dont Le Cheval de la mort) et s’intéresse à ses techniques de gravure (éd. 1732 et 0370).

Actualisé par É. Berger, 2020

F

Filleau, Albert (? 1840 – Saint-Ouen 1894). Médecin parisien réputé, auteur d’un ouvrage de médecine pratique Petite chirurgie (Paris, Alcan-Lévy éd., 1874), collectionneur de peinture impressionniste, époux de la cantatrice Jeanne Raunay (1862-1942). Rops mentionne le Docteur Filleau dans un carnet de notes (coll. Harry Dorchy) commencé en 1868 : « Ce sont les bons crus qui font les bonnes cuites. Filleau », donnant le ton de la relation amicale et épicurienne que les deux hommes vont entretenir. Dans un carnet daté de 1873, Rops indique l’adresse dans le Marais du Docteur Filleau qu’il considère comme l’un de ses premiers amis à Paris (éd. 0951). En plus d’être le médecin de Rops et sa famille, le Docteur Filleau anime également les dîners du « Pot-au-Feu » organisés les mardis soirs, réunissant des artistes comme Edgar Degas (1834-1917), Jean-Louis Forain (1852-1931), Albert Lebourg (1849-1928), Alphonse Portier (marchand de couleurs, 1841-1902) et Louis Braquaval (1854-1919). Le marchand d’art Ambroise Vollard (1866-1939) fera d’ailleurs ses premiers pas dans l’impressionnisme grâce à Rops qui l’introduit vers 1890 chez Filleau. Rops consacre au médecin-collectionneur plusieurs planches : Le Docteur Filleau [E.298], Le Docteur (1876-1879) [E.556], La Cuisine dosimétrique [E.555], Le Cochon nimbé, [E.547], les trois dernières étant des menus. En 1880, le Docteur Filleau est pressenti par Rops pour écrire un premier ouvrage sur lui : « Un de mes amis le docteur Filleau qui non content de m’avoir sauvé la vie veut aussi sauver ma réputation a réuni depuis bien des ans tous les renseignements qu’il pouvait avoir sur moi par mes amis d’enfance comme Dandoy & Karski et a même une foule de notes décousues rédigées par lui, par Ernest d’Hervilly, par Gouzien, par Poulet Malassis, Delvau &c &c» (éd. 2921). Ce projet n’aura pas lieu mais démontre l’intérêt et l’amitié qui lièrent « le docteur jovial » (éd. 0635) et l’artiste tout au long de leurs vies.  

Actualisé par V. Carpiaux, 2021

G

Gouzien, Armand (Brest 1839 – Guernesey 1892)
Compositeur, critique et inspecteur des Beaux-Arts. À partir de 1868, Rops lui adresse 127 missives. Il sera l’un de ses meilleurs amis et un important collectionneur et diffuseur de son œuvre. Après des études de médecine, Gouzien s’oriente vers le journalisme et la critique dramatique et musicale. Fondateur avec Villiers de l’Isle-Adam de la Revue des Lettres et des Arts, il collabore à de nombreux périodiques (L’Événement, Le Gaulois, Le Figaro,…). À partir de 1879, Gouzien est introduit au sein du Ministère des Beaux-Arts où il est nommé inspecteur des théâtres puis, en 1880, inspecteur des Beaux-Arts et commissaire du gouvernement auprès des théâtres nationaux. Lié avec de nombreux écrivains, artistes et notabilités de son temps (Victor Hugo, Armand Sylvestre,…), Gouzien fait connaître le travail de Rops dans son entourage et écoule, tel un marchand, nombre de ses œuvres. Entre 1868 et 1875, ils tentent de lancer ensemble un journal illustré qui doit s’intituler La Vie moderne mais qui, faute de soutiens financiers, ne verra jamais le jour. Rops l’accompagne lors de voyages officiels en Hongrie (1879) et en Espagne (1880) et découvre la Bretagne en sa compagnie. Il réalise en 1876 l’en-tête du Journal de Musique fondé par Gouzien. Il lui rend hommage au sein de plusieurs planches : La Muse en crinoline [E.559]], L’Amour-orchestre [E.560], L’Amour harpiste [E.561] et Fantaisie sur Gouzien [E.846]. Sa collection d’œuvres de Rops constituée d’au moins 367 eaux-fortes et de 22 dessins et peintures est vendue publiquement après sa mort en 1893.

Actualisé par É. Berger, 2020

H

Hallaux, Victor (Marche-les-Dames, 6 août 1835 – Bruxelles, 5 mars 1896)
Journaliste libéral belge. Ami d’enfance de Félicien Rops dont il fut le condisciple à l’Athénée de Namur et à l’Université Libre de Bruxelles. Hallaux participe au Crocodile sous le pseudonyme de Coco et fait partie de la première équipe de L’Uylenspiegel, journal des ébats artistiques et littéraires où il signe Victor Hovin. Dans ce contexte, Rops le sollicite fréquemment pour l’écriture d’épigraphes (éd. 1033) destinées à commenter ses croquis. Hallaux fera ensuite une brillante carrière de journaliste ; il collabora aussi à la rédaction de quotidiens libéraux (l’Etoile Belge et l’Indépendance Belge). Après ces différentes expériences, il devient en 1868 le fondateur et directeur de La Chronique, journal belge où Léon Dommartin est rédacteur et pour lequel Rops réalisera un panneau décoratif en 1872. Hallaux y prend le pseudonyme de Victor de la Hesbaye. Un buste en bronze de Victor Hallaux se trouve au cimetière d’Ixelles. Il a été sculpté par Antoine Van den Kerckhove vers 1896.

Actualisé par G. Di Stazio, mars 2022

L

Lemonnier, Camille Antoine Louis (Ixelles, 24 mars 1844 – Ixelles, 13 juin 1913)

Fils de Louis-François et de Marie Panneels. Originaire de Louvain, son père était avocat à la Cour d’appel de Bruxelles. Sa mère, issue d’une famille de paysans et de commerçants à Saint-Job et dans la campagne uccloise. À la mort de leur mère, Camille et sa sœur furent élevés par leur grand-mère maternelle, Anne-Catherine Panneels. Désireux que son fils suive ses traces, Louis-François inscrivit Camille en 1861 à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université Libre de Bruxelles, en candidature préparatoire en droit. L’année suivante, il débuta sa carrière d’écrivain à l’Uylenspiegel par l’intermédiaire de Charles De Coster. Il publia d’ailleurs le 26 octobre 1862 le conte Brosse et Tampon, l’année même où Rops cesse de contribuer à l’Uylenspiegel, ayant d’autres souhaits professionnels notamment sa renommée à Paris (pour plus de détails, voir Van Nuffel R. O.-J., « Lemonnier », Nouvelle biographie nationale, vol. 2). 1869 coïncide avec « l’émancipation financière » de Camille car son père Louis-François meurt le 5 juin. Quelques années plus tard, la guerre franco-prussienne va retenir toute son attention. Le 3 septembre 1871, Lemonnier, accompagné de Verdyen, rejoint à Bouillon Félicien Rops et Léon Dommartin, point de départ vers la ville de Sedan. Ils y découvrent quatre jours durant l’horreur du champ de bataille que Lemonnier retranscrira dans un volume Sedan (1871), republié 10 ans plus tard sous le titre Les Charniers. En 1908, dans son ouvrage Félicien Rops. L’homme et l’artiste (Floury éd.), Lemonnier revient sur sa rencontre avec Rops sur le front : « Je ne l’avais plus revu depuis Bruxelles et il était là, devant moi, crispé, nerveux, souillé, ayant pataugé depuis le matin dans de l’urine, des viscères et de la terre pourrie, tout couvert de la puanteur du champ de bataille. Lui et l’ami Dommartin qui l’avait accompagné avaient marché comme de la troupe, les godillots gauchis, recrus de fatigue, portant leurs sacs d’artiste comme un fourniment militaire.» (op cit. p. 148). Il épouse ensuite Julie-Flore Brichot de Binche qui lui donnera deux filles : Marie (1872) et Louise (1876). En 1873, Lemonnier fonde à Bruxelles la revue L’Art Universel (1873-1875), dont le troisième numéro est agrémenté d’une gravure de Rops, Ma tante Joanna (éd. 2912). En 1876, il participe à L’Actualité à travers le monde et l’art (1876-1877), avant de devenir collaborateur à L’Artiste (1875-1880), revue fondée par Théo Hannon (1851-1916). Il s’intéresse activement à la vie artistique donnant, aux publications parisiennes Gazette des Beaux-Arts et Chronique des Arts et de la Curiosité, des monographies d’artistes belges ainsi que des articles de critique artistique. Il donnera à La Revue de Belgique une étude pénétrante sur Alfred Stevens, « le grand rival » de Rops. Les lettres échangées entre Rops et Lemonnier à ce propos sont parmi les plus passionnantes car l’artiste justifie auprès du critique d’art ses choix et son enthousiasme à être le chantre de la modernité. Dans une lettre adressée en 1881 à Camille Lemonnier (éd. 222), Félicien Rops dit : « Je te raconte tout cela, parce que c’est de l’actualité, & que l’on m’écrit de Bruxelles que « dans une réunion de peintres, on a dit que j’étais un ennemi des Stevens ! chose contre laquelle je proteste avec indignation, et ce qui me vexe, c’est que Alfred Verwée qui sait le contraire, n’a rien dit !! ! T. SVP !! J’ai toujours eu pour les deux Stevens une très vive admiration. Joseph est tout simplement l’un des promoteurs de la bonne peinture en Belgique c’est un maître peintre qui a eu la plus grande influence sur son frère. – Alfred est son élève, cela n’est pas niable. C’est aussi un admirable peintre. J’ai fait toujours mes réserves & je t’ai dit mon opinion quand on a voulu le bombarder : peintre de la modernité ce qui était d’une bêtise poussée. – Peu de peintres ont été moins de leur siècle qu’Alfred Stevens ! et peu d’artistes en ont moins compris la souple & étonnante diversité : physiologiquement, psychologiquement & physiquement ». Dans une autre lettre (éd. 2920) datant de 1880, Rops précise que : « J’aime aussi Fromentin & j’estime aussi Stevens quoique je le mette en dessous de tous ceux que je viens de nommer & de beaucoup ! – Je t’en parlerai longtemps parce que je sais que nous ne sommes pas du même avis. – La modernité de Stevens est une modernité à fleur de peau & de robe. L’homme est un flamand, bon peintre d’un dessin gauche presque toujours, ce qui ôte du coté elevé à son œuvre. Le mot modernité n’a été qu’une enseigne accrochée par Arthur, qui a toujours été la tête de la famille. Il y a plus de modernité dans un croquis de DeGas que dans tous les tableaux de Steven ». En 1881, avec la publication de son roman Un mâle pour lequel Rops propose de faire des illustrations (projet resté sans suite, éd. 222), Lemonnier provoque un vif scandale dans les milieux traditionalistes et catholiques pour ses propos jugés pornographiques. Le 27 mai 1883, en guise de protestation contre la non attribution du prix quinquennal de littérature à l’auteur d’Un mâle, les Jeunes Belgique ont organisé un banquet au cours duquel Rodenbach salua en Lemonnier « Le Maréchal des Lettres belges ». Dès 1883, Rops se plaint du manque de reconnaissance de Lemonnier à Paris car celui-ci a choisi de publier ses ouvrages à Bruxelles: « Les livres de Lemonnier se vendent avec un rabais de 40 % partout : Le mâle, le mort &c &c. Lemonnier est coulé ici à cause de cela. […] Si Lemonnier avait publié chez Quentin comme je le lui offrais il aurait une vraie position ici, & la position n’existe pas pour le moment, malgré son vrai talent & c’est dommage » (éd. 2051). Lemonnier épouse en secondes noces, en 1883, Valentine Collart, nièce de Constantin Meunier. De cette union naquit le petit Jacques qui meurt un an plus tard le 25 décembre 1886.  Dans l’ouvrage publié par Dentu en 1892, La Fin des bourgeois, Lemonnier donne une description précise de la Pornocrates de son ami Rops. Il est aussi l’auteur d’une monographie consacrée à Félicien Rops : Félicien Rops. L’homme et l’artiste, Paris, Henri Floury, 1908. Camille Lemonnier a eu une carrière riche durant laquelle il a publié plu de 70 ouvrages et monographies. Il est l’une des figures marquantes de la littérature belge du 19ème siècle et l’une des personnalités influentes de la scène artistique belge dont la carrière a été intimement mêlée à celle de Félicien Rops.

Actualisé par G. Di Stazio, septembre 2021

M

Monet, Claude (Paris 1840 – Giverny 1926)
Artiste français, il commence sa carrière au Havre par des portraits-charges, principalement des caricatures à grosses têtes, puis des peintures de paysage vers 1858, suite à sa rencontre avec Eugène Boudin (1824-1898). Ce dernier lui conseille d’aller à Paris pour étudier et rencontrer d’autres artistes (1859-1860). A cette période, Rops commence lui aussi ses allers-retours entre Bruxelles et Paris, après avoir publié dans son journal Uylenspiegel, le journal des ébats artistiques et littéraires (1856-1863) des caricatures du même type. Monet se partage entre la Normandie et Paris où il suit des cours à l’Ecole impériale des Beaux-Arts de Paris en 1862, l’année où Rops fréquente les ateliers de Bracquemond et Jacquemart pour y apprendre la gravure. Dès 1865, l’artiste français expose ses tableaux, notamment au Salon de Paris. En 1874, il participe avec Impression soleil levant à l’exposition de la Société des Artistes Peintres Sculpteurs et Graveurs qui a lieu dans les anciens studios de Nadar (1820-1910) à Paris, donnant son nom au mouvement d’avant-garde : l’impressionnisme. Rops est un habitué de la galerie de Paul Durant-Ruel (1831-1922) où Monet continue à exposer avec son groupe à partir de 1876 : « Il y aura peut être à espérer beaucoup d’un mouvement de peinture bizarre qui commence maintenant sous le nom d’École des Impressionnistes & a pour caractéristique une peinture claire dans le genre de celle qu’on fait beaucoup maintenant en Belgique mais plus heurtée plus enlevée. C’est plein de choses grotesques mais il y a là trois bonshommes Caillebotte & Degas & Monet – (pas Manet) qui sont d’une jolie force & très artistes. » (éd. 0881). Les deux hommes partagent une passion pour les bords de mer et de Seine, peignant tous les deux des vues de Sainte-Adresse et Honfleur (Normandie) et fréquentant des lieux autour de Paris comme Argenteuil, Bougival, la grenouillère de l’île de Croissy et de l’île de la Grande Jatte, les abords de la commune de Marlotte où Rops raconte qu’on y rencontre « des peintres bons enfants & pas poseurs. Monet, Grandchamp, Salvayre, des talents sérieux. » (éd. 0576).  Monet et Rops se partagent un même réseau d’artistes et de collectionneurs, comme le Docteur Filleau (1840-1894) ou Léon Clapisson (1837-1894). En 1889, Rops évoque «  L’Exposition Monet-Rodin : un succès » (éd. 3473) qui a lieu à la galerie Durand-Ruel. À partir de cette exposition-duo, il va développer un argumentaire auprès des critiques d’art pour prouver que le sculpteur a spolié son œuvre graphique. 

Actualisé par V. Carpiaux, juillet 2021

P

Picard, Edmond (Bruxelles 1836 – 1924)
Avocat à Bruxelles, professeur de droit à l’Université libre de Bruxelles, sénateur socialiste (1895-1905) et écrivain. Rops lui adresse une soixantaine de lettres entre 1878 et 1892. Animateur de la vie culturelle belge entre 1880 et 1890, il fonde la revue L’Art Moderne où paraissent des articles en faveur d’un art libéré des conventions académiques. Avec Octave Maus, il crée le Groupe des XX (1883) et La Libre Esthétique (1893) à l’initiative de nombreuses expositions. Son salon de l’Avenue de la Toison d’or à Bruxelles est fréquenté par de nombreux artistes. Collectionneur de Rops à partir de 1878, il acquiert, entre autres, L’Attrapade, La Tentation de Saint-Antoine et Pornocratès. En véritable promoteur de son art, il vend ses œuvres dans son entourage et lui consacre plusieurs articles dans L’Art Moderne. C’est vers lui que Rops se tourne en 1883 en vue d’un soutien institutionnel pour l’obtention de la Légion d’honneur française (éd. 2304). En 1887, dans le cadre du salon des XX, il expose deux dessins de Rops sans son autorisation ce qui lui vaut les foudres de l’artiste (éd. 2310).

Actualisé par É. Berger, 2020

Poulet-Malassis, Auguste Paul Emmanuel (16 mars 1825, Alençon – 11 février 1878, Paris)

 Éditeur et bibliographe français dont le nom est indissociable de celui de Charles Baudelaire (1821-1867) dont il fut un ami intime. Ancien élève de l’Ecole des Chartes en 1847, Poulet-Malassis n’y passe que quelques semaines en raison de la révolution de 1848. Dans l’effervescence de cette dernière, il crée avec Alfred Delvau (1825-1867) L’Aimable Faubourien, Journal de la canaille : vendu par la crapule et acheté par les honnêtes gens qui ne sera publié qu’au mois de juin 1848 en cinq numéros. Rops rencontre Poulet-Malassis à Paris vers 1863, grâce à Alfred Delvau pour qui il a illustré la même année Histoire des cafés et cabarets de Paris. En septembre 1863, poursuivi par les dettes et les condamnations, Malassis gagne la Belgique où Baudelaire (1821-1867) le rejoint sept mois plus tard. Malassis y publie des pamphlets contre l’Empire et des œuvres licencieuses. De nouvelles condamnations en France, par contumace, s’ensuivront. C’est par son intermédiaire que Rops rencontre Charles Baudelaire, le 23 mai 1864 et composera le frontispice des Epaves paru en 1866.

Auguste Poulet Malassis sera arrêté une première fois le 24 juin 1848 dans le quartier de la rue du Cloître Saint-Benoît, fief des insurgés. Malassis sera par ailleurs détenu et arrêté une seconde fois en 1862-1863.

Après la mort de son père Augustin Jean Zacharie Poulet (1795-1850) en mars 1850, Coco Malperché – surnom trouvé par Charles Baudelaire –, s’associe avec son beau-frère Eugène De Broise (1821-1907) pour prendre la succession de l’imprimerie familiale à Alençon, effective en 1855. La même année Poulet-Malassis ouvre une librairie à Paris sise rue de Buci. Les presses alençonnaises imprimèrent les œuvres des poètes de l’École Parnassienne : Théodore de Banville (1823-1891), Leconte de Lisle (1818-1894), Théophile Gautier (1811-1872), Charles Monselet (1825-1888), Champfleury (1821-1889), etc.

Le premier grand succès de Malassis et de Broise est sans conteste la publication des Fleurs du Mal  de Charles Baudelaire en 1857, mais il est aussi synonyme de deux condamnations (outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs) et d’une saisie suite au retentissant procès du 20 août 1857 au cours duquel l’auteur est condamné à une amende de 300 francs et voit son œuvre amputée de six poèmes. De Broise est, à cette occasion, emprisonné quelques semaines dans l’ancien château des ducs d’Alençon qui sert de prison. Cet événement sonne le glas de l’association des deux beaux-frères en 1861 : le caractère impétueux et ambitieux de Malassis est trop opposé au caractère prudent et réservé de De Broise. Ce dernier prendra la direction du Journal d’Alençon en 1863.   

C’est lors de son exil à Bruxelles (à partir de septembre 1863) que Poulet-Malassis fait se rencontrer son « merle blanc » Félicien Rops et le poète maudit Charles Baudelaire, le 23 mai 1864. En résulte une collaboration marquante pour l’artiste namurois, l’unique collaboration avec le poète : Rops compose le frontispice des Epaves paru en 1866. Malassis vante le talent de Rops toutes les fois où l’occasion s’en présente ; il écrit, le 10 octobre 1865, à Champfleury (nouvelle publication, et des plus intéressantes, due à M. Jacques Crépet, Le Figaro, 26 août 1933) : « C’est un garçon d’un très grand talent, mais qui ne travaille que par coups de tête. Il a une très belle fortune et un amour immodéré de la vie, qui le détournent du travail. Tel quel, il a plus de talent qu’aucun des gens de la nouvelle génération, mais il faudrait l’avoir dans la main, le tenir, à Namur ou ailleurs, pour obtenir de lui une besogne suivie. Lui demander quoi que ce soit à l’essai est impossible, il se moque des commandes et de l’argent. Tout ce qui serait possible dans le cas serait qu’il se prit du goût d’illustrer M. Tringle, auquel cas il le ferait passionnément. Je lui présenterai la chose comme une idée qui me serait venue en lisant votre nouvelle, c’est le seul moyen ». Le projet d’illustration de Rops voulu par Champfleury pour sa nouvelle Les Aventures de Monsieur Tringle n’aura finalement pas de suite. De 1864 à 1871, pas moins de 34 ouvrages illustrés par Rops sont édités chez Poulet-Malassis.

L’on sait que la relation de Rops et Poulet-Malassis dépasse largement le simple cadre professionnel. Une vraie relation d’amitié sincère lie les deux hommes comme en témoigne leur abondante correspondance (on connaît une cinquantaine de lettres). Malassis est un habitué du château de Thozée. Il entretient aussi des liens d’amitié avec Théodore Polet de Faveaux (1801-1866), le beau-père de Rops, magistrat, latiniste et auteur, sous le pseudonyme de Sylvain, de Suarsuksiorpok ou le chasseur à la bécasse, illustré par Félicien. Polet est d’ailleurs l’un des rares belges à avoir grâce aux yeux de Baudelaire et il a offert un exemplaire de son livre à l’éditeur alençonnais.

Les deux hommes partagent aussi une passion pour la botanique : Félicien Rops était, suivant Camille Lemonnier, comme Poulet-Malassis, « botaniste de vocation ». La botanique tient une grande place dans leur correspondance. « Ne viendrez-vous pas du tout, du tout, quelques jours en Belgique ? Il y a longtemps que vous nous promettez de revenir à Thozée et les saules de l’étang se joignent à nous pour vous montrer combien ils ont grandi et quel plaisir vous leur feriez en venant comme autrefois pêcher à leur ombre » (lettre de Félicien Rops à Auguste Poulet-Malassis, Bruxelles, 262 Avenue Louise, 3 juillet 1873, www.ropslettres.be, n° d’éd. 3504). « J’ai herborisé un peu sur le mont Agel qui domine Monte-Carlo, rien de nouveau, la saison n’est pas avancée, il n’y a pas encore de fleurs, hormis une petite sauge violette qui croit dans toutes les fentes de rochers, le bel arum italicum, partout où il fait un peu plus frais et, surtout, sous les oliviers (du reste, notre arum maculatum doit fleurir à peu près en même temps que lui, dans nos bois), et un petit réséda, très odorant et fort joli, qui doit être le réséda vrai, que l’on cultive dans les jardins aux environs de Paris » (lettre de Félicien Rops à Auguste Poulet-Malassis, Monaco, Villa Bella (Chez Camille Blanc), 5 février 1876, www.ropslettres.be, n° d’éd. 3507). Rops joint parfois à ses lettres soit un croquis, soit des fleurs séchées. Cet amour de la fleur se retrouve dans l’œuvre gravé de l’artiste.  

De retour en France, après l’amnistie du 15 août 1869, il se consacre à des publications bibliographiques et érudites. La fin de l’exil de Malassis constitue une « épreuve » pour celui qui n’était pas encore installé à Paris : « Je n’aimais pas beaucoup Bruxelles, mais vous concevez que votre départ va me faire un rude vide. – Où diable voulez-vous que j’aille parler maintenant de toutes les choses que nous aimons et que les Bruxellois n’aiment pas ? » (lettre de Félicien Rops à Auguste Poulet-Malassis, s.l., s.d., www.ropslettres.be, n° d’éd. 3501). La santé de l’Alençonnais va décliner dès son retour parisien, lui qui souffre de la goutte depuis juin 1866, à peine quelques semaines après l’attaque cérébrale de Baudelaire à l’église Saint-Loup lors d’une visite avec Rops. Ce dernier s’enquiert d’ailleurs très régulièrement de sa santé et s’inquiète des longues périodes de silence épistolaire de son éditeur. Il meurt  à son domicile parisien le 11 février 1878 après avoir préparé le catalogue de sa vente après décès. Il est inhumé le lendemain au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine. Paradoxalement, la mort de Poulet-Malassis n’eut que peu de répercussion dans la presse pour celui qui était peu connu du grand public. Seuls quelques amis lui rendent hommage comme Charles Monselet et Théodore de Banville. Dans une lettre adressée au peintre Louis Dubois (1830-1880), Rops écrit : « Malassis est mort, spirituellement et nettement comme il avait vécu. Grande perte que celle de ce vrai Français. Le vaillant esprit ! Je me trouve seul depuis qu’il n’est plus là. On ne fait plus d’amis à quarante ans, et je regretterai celui-là toujours. – Il a beaucoup souffert moralement & physiquement, mais il est mort comme un sage antique. » (lettre de Félicien Rops à Louis [Dubois], Bruxelles, 23 février 1878, www.ropslettres.be, n° d’éd. 3350).

Actualisé par Giuseppe Di Stazio, janvier 2023

S

Sichel, ? (? – ?)
D’après la correspondance de Rops, Sichel est un marchand de tableaux parisien et ami d’Armand Gouzien (éd. 3117). Rops le mentionne à six reprises entre 1876 et 1878, période à laquelle Sichel semble avoir été un intermédiaire potentiel pour la vente de ses dessins. D’après une lettre de Rops à Bonvoisin, Pornocratès a transité chez lui en 1879 (éd. 3122). Il pourrait s’agir de Philippe Sichel (1840-1899) ou d’Auguste Sichel (1836-1886), deux frères marchands d’art spécialisés dans les objets d’Extrême-Orient. De plus amples recherches sont encore nécessaires pour l’identifier.

Actualisé par É. Berger, 2020

Société des Joyeux (16 septembre 1847, Ixelles – ?)
Cercle littéraire fondé à Ixelles en 1847 par une vingtaine d’amis d’origines diverses, épris de littérature et d’art. C’est Charles De Coster qui prononce le discours inaugural dans « la chapelle privilégiée du Double Pot sous la protection de saint Faro et de sainte Lambick » (Extrait du discours de De Coster, prononcé le 18 septembre 1847, cité par Sosset L.L., Introduction à l’œuvre de Charles De Coster, Bruxelles, 1937, p. 15). Le Double-Pot étant le bar d’Ixelles qu’il fréquentait avec ses amis et la Faro et la Lambick, deux bières belges. Cette joyeuse société a pour but « d’encourager les essais littéraires de ses membres en leur donnant une certaine publicité et de fonder un journal entièrement fait par les sociétaires ». Le Journal des Joyeux est resté à l’état de manuscrit et ne fut jamais imprimé. Le Journal des Joyeux comporte quatre tomes conservés à la Bibliothèque royale de Belgique. Leurs archives y sont également conservées et se composent de trois tomes.

Dans son édition des lettres à Elisa de Charles De Coster, Charles Potvin (1818-1902), alors dépositaire des archives des Joyeux, signale la présence de Rops au sein des Joyeux en 1851. Pour l’occasion, Charles de Coster rédige un petit texte d’accueil pour l’artiste : « Un artiste éminent, un ami pour nous tous / Veut bien nous demander d’être admis parmi nous. / Nous l’exemptons d’impôts dans notre république, / Nous lui concédons tous un titre honorifique ». De plus, une lettre datée du 18 novembre 1850 de Rops à Victor ”Coco‟ Hallaux, son ami de l’athénée de Namur, prévient ce dernier de son arrivée dès la rentrée universitaire prochaine (Archives du Musée de la littérature, Bibliothèque royale de Belgique, inv. ML 623/3).

On ne connait qu’une lettre adressée par Rops à la Société des Joyeux. La lettre date du mois de novembre 1858 ; l’artiste y annonce la naissance de son fils Paul (1858-1928) : « Félicien Rops a le plaisir d’annoncer à la société des Joyeux qu’il lui est né un fils lequel naturellement est le plus beau des enfants des hommes. Félicien Rops. NB Le Père se porte bien. » (éd. 1333)

Actualisé par G. Di Stazio, octobre 2022

V

Van Gogh, Theodorus, dit Theo (1857-1891)
Marchand d’art à la galerie Goupil & Cie, frère et correspondant de Vincent van Gogh (1853-1890). En 1873, Theo van Gogh est l’un des employés de Goupil & Cie, une galerie d’art internationale spécialisée dans la reproduction de tableaux et de gravures, située rue de la Madeleine à Bruxelles (éd. 2235). Rops croise Theo dans la boutique à Bruxelles vers 1873-74, puis à Paris puisqu’il devient gérant dès 1881 de cette succursale réputée (éd. 0871). Vincent van Gogh cite à plusieurs reprises dans sa correspondance les caricatures de Rops et de Charles Degroux publiées dans le journal Uylenspiegel fondé par Rops en 1856. Il copie même vers 1881 une gravure de Rops, Souvenirs. En attendant la confession, qui était parue en mars 1857. C’est sans doute Theo qui donna à Vincent des exemplaires du journal lorsqu’il travaillait dans le milieu bruxellois (première mention d’Uylenspiegel dans la correspondance de Vincent van Gogh lorsqu’il séjourne à Londres en 1873). Theo van Gogh aura-t-il favorisé la vente des œuvres de Rops dans la boutique à Bruxelles puis à Paris ? Aura-t-il fait connaître à Vincent les gravures de Rops vendues ou exposées dans cet espace dès en 1886 lorsqu’il ira habiter avec son frère à Paris ? Rops visita entre 1881-1884 l’atelier d’imprimerie de Goupil & Cie à Paris pour observer leur savoir-faire, sans doute avec l’autorisation de Theo (éd. 1786). 

Actualisé par V. Carpiaux, janvier 2022.

Vollard,  Ambroise (La Réunion 1866 – Paris 1939)
Avocat, marchand d’art, galeriste, éditeur, figure majeure de l’avant-garde parisienne, notamment l’impressionnisme. Vollard né à La Réunion où son grand-père était allé tenter fortune, revient à Paris pour suivre des études de droit. Rops le rencontre vers 1890 alors qu’il est encore étudiant (éd. 1463). Vollard raconte qu’il « découvrit un jour, dans une boite des quais, une gravure non signée qui lui parut être de Félicien Rops. Il l’acquit pour trois francs, et alla frapper à la porte de l’atelier de l’artiste. Rops vint lui ouvrir lui-même. Il était nu, à l’exception d’un petit pagne et d’une visière verte. Sans se démonter devant une telle apparition, Vollard présenta sa découverte. C’était bien une eau-forte de Rops, et très rare. L’auteur lui-même n’en possédait pas d’épreuve. Il proposa à Vollard de la lui échanger contre une aquarelle. Vollard accepta, emporta l’aquarelle, la revendit un bon prix. Ce fut sa première affaire. » (extrait du journal Candide, Paris, le 28 juin 1930). Dans son autobiographie, Souvenirs d’un marchand de tableaux (Albin Michel, Paris, 1937), Vollard raconte que c’est avec Rops qui l’avait introduit aux dîners du « Pot-au-feu » du Docteur Albert Filleau (1840-1894), collectionneur important d’art impressionniste, qu’il découvrit l’impressionnisme :
« Un jour que je sortais avec Rops de chez le docteur Filleau, les yeux encore tout éblouis des tableaux qui ornaient les murs :
– Eh bien ! me dit-il, tout ça est fou, n’est-ce pas ?
– Je ne sais pas, moi. Je trouve ça joliment agréable à regarder, en tous cas…
– S’il en est ainsi, tant pis pour vous. On est foutu une fois qu’on a cette peinture dans l’œil… ».
Vollard transforme sa mansarde à Montmartre en galerie où l’on trouve des Rops, Théophile Alexandre Steilen (1859-1923) et Henri de Toulouse Lautrec (1864-1901). Rops lui présente le peintre belge Henry de Groux (1866-1930). Il ne tarde pas à installer sa boutique au 37, rue Laffitte. Il devient un « faiseur de renommées » : il s’intéresse à Edouard Manet (1832-1883), Paul Cézanne (1839-1906), Edgar Degas (1834-1917), Auguste Renoir (1841-1919) et organise les premières expositions de Vincent van Gogh (1853-1890), Henry Matisse (1869-1954) et Pablo Picasso (1881-1973). Au début du siècle, Vollard se met à faire de l’édition et sort une série de chefs-d’œuvre illustrés. Il trouve la mort à 76 ans dans un accident d’automobile.

Actualisé par V. Carpiaux, juillet 2021